L'effondrement de l'Union soviétique est considéré comme le début d'une nouvelle ère. En parallèle avec la modification de la carte de l'Europe de l'Est, on témoigne également d'une transformation des valeurs socio-culturelles et des priorités politiques dans les anciennes républiques soviétiques. Mais pour certains nouveaux États indépendants, ce passage d'une époque à l'autre, ne s'est pas avéré facile.
La Géorgie a dû subir des crises socio-économiques graves et survivre à plusieurs guerres afin de sortir définitivement du giron russe. Mais cela n'a pas été suffisant pour une nouvelle république, qui se frayait un chemin vers le monde occidental. Elle aurait dû s'affirmer comme un État-nation possédant toutes les composantes identitaires pour être souverain et indépendant. La patrie, la langue et la religion orthodoxe, représentaient ces trois composantes majeures, qui pourraient donner corps à l'identité du peuple. Mais le christianisme orthodoxe, parmi ces trois critères, a assumé plus de responsabilité en se transformant, progressivement, en pierre angulaire du nationalisme géorgien.
L'orthodoxie pratiquée par 85% de la population à l'échelle nationale, jouait toujours un rôle unificateur. Réduite à néant, poursuivie, cachée pendant septe décennie sous l'État communiste, on assiste à son retour solennel dès la chute du régime. Elle devient omniprésente non seulement dans la vie quotidienne, mais également sur la scène publique. Malgré le fait que la Géorgie est un État laïc et multiconfessionnel, l'orthodoxie jouit de plus de privilèges que les autres religions pratiquées dans le pays. Le Concordat 2002 établi entre l'Église orthodoxe et l'État en est le meilleur exemple. Donc, l'orthodoxie gagne sa place importante dans la vie spirituelle, détermine les principes moraux et crée une atmosphère politique.
Dans les années 2000, les Révolution de couleur agite l'espace post-soviétique, qui ouvrent largement la porte à l'Europe et aux États-Unis dans la région. À la suite de cet événement, un nouveau gouvernement pro-occidental arrive au pouvoir de la Géorgie dont l'objectif est d'aider le pays à intégrer l'OTAN et l'Union européenne. Au cours de cette période, on assiste à la création de différentes ONG financées par l'Occident, qui travaillent majoritairement dans le domaine des droits de l'homme et mènent plusieurs projets socio-éducatifs. Parallèlement, se renforce l'Église orthodoxe et son dirigeant, le Patriarche Élie II devient la personnalité la plus influente du pays.
Donc, dans la société géorgienne surgit un clivage entre la génération des parents, qui reste fidèles aux traditions orthodoxes et perçoit les valeurs occidentales comme nuisibles aux valeurs chrétiennes et traditionnelles et la génération des enfants (nés majoritairement dans la Géorgie indépendante), qui choisit l'orientation politique fortement pro-occidentale basée sur la démocratie, la laïcité et le pluralisme.
Dans le cadre de mon projet de thèse, pour la présente communication, je tiens à décrire ce clivage entre deux générations religieuse et laïque et le rapport de force entre l'Église orthodoxe soutenue par la Russie d'un côté et les forces libérales (ONG, les partis pro-occidentaux) soutenues par l'Europe et les États-Unis de l'autre.