La République de Turquie est constitutionnellement un État « laïc » reconnaissant la liberté de croyance, mais le conflit entre les droits et les pratiques se manifeste tant sur le plan politique que dans la sphère juridique, en particulier au cours des 20 dernières années.
La reconnaissance officielle des nouveaux mouvements religieux en Turquie, la position de la Diyanet (Présidence des affaires religieuses) sur ce sujet et la manière dont ces religions sont soumises au contrôle de l'État sont des questions controversées. Ces mouvements doivent suivre un processus de demande d'enregistrement auprès des autorités compétentes pour être reconnus officiellement. Toutefois, ce processus est soumis à l'avis de la Diyanet, ce qui conduit de nombreux groupes à rester dans l'informalité. À l'heure actuelle, seules huit religions sont reconnues en Turquie. La Diyanet est connue pour être sceptique à l'égard des nouveaux mouvements religieux et des spiritualités et les considère souvent comme une menace pour la société turque majoritairement musulmane sunnite.
Par ailleurs, certaines politiques étatiques tendent à privilégier l'enseignement religieux islamique au détriment des autres croyances. Par exemple, alors que la simple déclaration des parents suffisait auparavant pour dispenser leurs enfants des cours de culture religieuse islamique, certaines écoles exigent désormais des preuves tangibles, telles qu'un certificat de baptême, restreignant ainsi la liberté religieuse et compliquant la reconnaissance des nouvelles croyances.
Depuis le début des années 2010, la vague migratoire provoquée par la guerre en Syrie a conduit de nombreux réfugiés à s'installer en Turquie, un phénomène qui s'est intensifié avec l'arrivée massive d'Afghans. Ce contexte migratoire a entraîné une radicalisation des discours au sein des groupes nationalistes turcs. Certains politiciens nationalistes comme Ümit Özdağ ont construit leurs discours autour de la promesse de renvoyer les migrants, renforçant ainsi une approche nationaliste et conservatrice. Dans ces cercles, une réaction contre « la religion des Arabes » se manifeste de plus en plus, poussant certains individus à chercher une alternative identitaire dans le tengrisme, perçu comme la religion ethnique des Turcs.
Dans le cadre de cette recherche, en se référant aux trois sphères utilisées par Akgönül (2022), à savoir politique, juridique et sociétale, l'examen des nouvelles dynamiques de reconnaissance des religions, surtout celles hétérodoxes sera entrepris dans une Turquie où l'islamoconservatisme a pris une ampleur considérable. Étant membre du Conseil de l'Europe et faisant l'objet des arrêts importants de la Cour européenne des Droits de l'Homme concernant la liberté de pensée, de conscience et de religion (Art. 9), la Turquie offre un terrain propice à l'étude approfondie de ces questions. Les affaires portées devant les tribunaux pour obtenir la reconnaissance étatique des religions minoritaires méritent une attention particulière sur le plan juridique.
Cette étude examinera également les processus par lesquels les religions acquièrent une reconnaissance de la part de l'État en Turquie. Des cas spécifiques, comme la reconnaissance du confucianisme, une philosophie sans adepte connu en Turquie, en tant que religion, alors que le néotengrisme, bien qu'ayant des adeptes, n'a pas encore atteint une pleine reconnaissance, seront également abordés.
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