Crises de l'Église et recomposition religieuse, la France terre de mission ?
Christine Mengès-Le Pape, professeur à l'université Toulouse Capitole
Parcours professionnel :
Professeur d'histoire du droit à l'université Toulouse Capitole, directrice du diplôme universitaire Droit et religions, Christine Mengès-Le Pape a publié dans les domaines de l'histoire institutionnelle, des relations entre État et religions en Europe occidentale, orientale et méridionale, de l'histoire de la guerre et de l'exil. Elle a organisé des colloques internationaux autour de grands thèmes (l'enseignement des religions, les principes juridiques ou politiques. Depuis 2019, elle est intervenue aux assises territoriales de l'islam.
Cette intervention propose d'interroger les fragilités de l'Église de France et les tentatives apportées pour y remédier et donc recomposer la catholicité. Ces crises sont anciennes. Déjà en 1943, les abbés Henri Godin et Yvan Daniel en font le constat dans une brochure que lira immédiatement l'archevêque de Paris, le cardinal Emmanuel Suhard. L'opuscule sera ensuite très rapidement publié aux Éditions L'Abeille sous un titre qui pendant longtemps choquera les esprits : La France, pays de mission ?. D'ailleurs cet intitulé se fera slogan, il sera plusieurs fois repris et répété dans le cadre des tentatives de recomposition que l'Église de France dès la fin du XXe siècle et jusque durant les millésimes actuels. On y trouvait dressée une description de la déchristianisation de la France qui s'est par la suite fortement amplifiée.
Face à cette situation de profondes crises, des interrogations ont été posées pour en rechercher les origines et les causes qui s'enracinent tout à la fois dans les déformations morales et politiques du gallicanisme, et dans la sécularisation que traverse la privatisation de la foi ou l'hyper-individualisme spirituel sans pratique religieuse, souvent modelé les formes d'une ultra-modernité toujours tentées par le nihilisme. Puis il y a la part des mobilités de la mondialisation, des mouvements migratoires ou nomades qui ont favorisé l'installation sur le territoire français de nouveaux cultes et d'une diversité spirituelle.
Après cet état des lieux qui montre des transformations vers la pluralité religieuse, seront traitées les solutions proposées pour remédier à cette décatholicisation occidentale. La hiérarchie de l'Église de France insiste sur une théologie de la mission à renouveler par une « nouvelle évangélisation » promue par le pape Paul VI dans la lettre encyclique Evangelii nuntiandi du 8 décembre 1975 et confiée – pour un temps que limiterntles politiques africaines de la France – aux prêtres fidei donum surtout venus d'Afrique et aux laïcs de plus en plus engagés dans des parcours à méthodologie incertaine, car trop récente, de la synodalité. Pour déterminer les voies et les lieux d'annonce de l'Évangile, l'Église de France tentent ainsi de s'adapter aux recherches spirituelles qui émergent et peuvent jaillir dans tous les sens, en dehors des institutions traditionnelles, au risque d'abandonner des fidèles qui semblent s'éloigner ou être écartés des nouvelles structures religieuses.